Mort des politiciens de la 1è République : Un ancien officier des FAR dément Bonaventure Mureme Kubwimana
Nous avons été étonnés et choqués par un écrit d’un certain Kubwimana Bonaventure diffusé sur le web et les forums de discussion notamment sur DHR le 7août 2014 et qui a pour titre : « L’extermination des politiques, des officiers, des journalistes et des prisonniers de droit commun Banyenduga par Juvénal Habyalimana Rutemayeze et ses comparses [1973- 1990] est un crime de génocide »
Passant outre la personnalité de l’auteur bien connu pour sa mégalomanie et sa fascination par des titres ronflants qui le poussent à se présenter comme « historien, politologue, économiste, professeur, etc…, » alors qu’il n’est qu’un agent recenseur de formation, nous nous sommes attardés sur le fonds de son écrit. Le caractère affabulateur et non sérieux a vite sauté aux yeux surtout sur certains faits dont nous avons des évidences pour avoir été acteurs ou témoins directs ou pour avoir puisé aux sources autrement plus fiables que celle que constitue un affabulateur dont on dit confrontés aux troubles mentaux et souvent pensionnaire des établissements psychiatriques du Nord de la France où il est domicilié. Mais pour d’autres faits précis qu’il évoque, nous avons été amenés à faire des enquêtes auprès des personnalités qui étaient alors « en situation » et donc à mesure d’éclairer l’opinion beaucoup mieux qu’un historien auto-proclamé mais qui n’utilise aucune méthode historique avant de lancer ses affirmations. C’est dans ce cadre que nous avons demandé à un des camarades du V juillet de commenter l’écrit de Bonaventure Kubwimana Murem. Les faits, surtout d’ordre militaire, rapportés par Bonaventure Mureme Kubwimana, se situent dans la période pendant laquelle notre interlocuteur exerçait une fonction militaire et étatique qui lui confère le droit d’en parler avec aisance et autorité beaucoup mieux qu’un politicien civil aigri même quand il se déguise en « historien ».
Voici les ses commentaires. Pour en saisir la portée, il est bien entendu recommandé de les lire en parallèle avec l’écrit de Bonaventure Kubwimana.
Bonne lecture
Emmauel Neretse
17/08/2014
S’il faut informer sur cet épisode douloureux de notre histoire, l’historien gagnerait à ne pas servir de l’immondice aux générations non contemporaines des évènements tragiques que constitue la mort des politiciens de la Première République en noyant les circonstances tragiques de la mort de ces politiciens que tout un chacun regrette, et dans des propos peu crédibles ou par des affirmations fabriquées à dessein afin d’induire en erreur en faisant croire qu’il y a eu complot, alors que c’est manifestement de la pure invention sans aucun rapport avec ce qui est arrivé.
Ici il y a lieu de souligner qu’il a été établi que l’ancien président Grégoire Kayibanda est mort par inanition parce que, par déception, il avait refusé de s’alimenter. Pourquoi l’auteur de cet écrit se cramponne sur des tentatives d’emprisonnement ou d’autres actes de complot qui auraient entraîné sa mort. Comment l’auteur justifierait que Sagatwa responsable direct de l’unité (Compagnie Garde Présidentielle basée à Kigali, au lieu de briefer à Kigali avant leur départ pour la garde à Kavumu, descendrait lui-même à Gitarama pour convaincre d’un complot les militaires venus garder l’ancien Président Grégoire Kayibanda alors qu’il suffisait qu’il donne ordre au chef du détachement à Kigali pour accomplir le crime. Encore faut-il encore établir que ces caporaux ont réellement existé !!
De même il ne faudrait pas se servir du cas administratif du lieutenant Mutabaruka pour monter une histoire destinée à justifier un quelconque complot contre l’ancien Président Grégoire Kayibanda. Sans préjuger aucunement d’une quelconque confidence entre Sagatwa et Mutabaruka voici ce qu’il en est du cas du retard de grade du Lieutenant Grégoire Mutabaruka dont l’auteur veut se servir pour justifier un complot.
Le lieutenant Mutabaruka fut commandant de la compagnie Gitarama avant d’être envoyé en stage à l’étranger. A la fin du stage de deux ans en France, il fut affecté dans le service « Base » de l’ Armée Rwandaise (AR) à la tête de la compagnie QM (quartier maître). A l’ouverture du signalement après son arrivée à la Base AR, il fut coté « APTE » par le commandant de la Base AR, cette cote fut confirmée par le Chef d’Etat Major (échelon de révision) mais l’échelon de révision définitive (Minadef=ministère de la Défense) la modifia en « PREMATURE », cote qui lui entraînait un retard d’un an selon le règlement en la matière. Après les promotions afférentes à ce mouvement de signalement qui laissaient Mutabaruka sans promotion, ce dernier prit conseil pour introduire un recours. Le chef d’Etat Major le reçut en audience en présence du Commandant de la Base AR et du Chef d’Etat Major Adjoint, tous les deux auteurs des appréciations favorables qui appuyèrent le recours de Mutabaruka. Le Général Major Habyarimana, Chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise, Ministre de la Défense Nationale et Président de la République, après avoir entendu les arguments du requérant appuyé par les deux autres Officiers présents, révisa la situation de Mutabaruka et décida de le régulariser au grade supérieur à la date de sa promotion.
Lors d’un séjour hors garnison pour l’entraînement militaire au Bugesera, il laissa son unité en position à Kibugabuga, se rendit au camp Gako pour des contacts utiles à la poursuite de l’entraînement comme le faisaient d’autres commandants d’unités en séjour hors garnison. De retour du camp Gako au volant de sa jeep de commandement, il aurait perdu le contrôle du volant de sa jeep par excès de vitesse, ce qui aurait provoqué l’accident qui l’emporta. Le dossier établi par le commandant du camp Gako en sa qualité d’OPJ transmis au Parquet renseigna un accident de circulation mortel par excès de vitesse.
Son cas ne devrait pas servir de prétexte pour monter une histoire de complot quelconque.
Quant à l’importance de cet écrit deBonavnture Murme Kubwimana, je le trouve d’une bassesse déconcertante mais avec le seul mérite pour le lecteur non contemporain des évènements de 1973-1974 d’apprendre que les politiciens de la première République ont comparu devant une juridiction spéciale (cour martiale), qu’ils ont été, avant, pendant et après leur comparution devant cette juridiction, victimes de sévices graves ou mortelles et que les auteurs de ces sévices ont été déférés devant la Justice.
Cette évidence devrait ressortir dans cet écrit car quelles qu’aient été l’incompétence ou les imperfections de ces procès, elles ne peuvent être contestées que devant une juridiction plus compétente que celles qui ont entendu les parties.
Vouloir contourner autrement ces décisions judiciaires relève plutôt de la mauvaise foi que de l’exercice d’historien et surtout pas en se référant aux propos de caporaux dont la crédibilité paraît peu crédible. Il en est de même des propos du Colonel Lizinde qui n’ont pas fait objet de déposition devant les juges lors de son procès. Sans me tromper, j’estime que l’historien aurait dû comparer ces déclarations après procès avec celles qu’il a faites devant les juges. Le travail des historiens, dans ces circonstances, est de requérir les comptes rendus des audiences pour savoir ce qu’on reproche à l’accusé, ce qu’il dit pour se défendre et ce que les juges retiennent à charge et à décharge. Sinon l’opinion d’un accusé après procès ne sera valable qu’après un autre jugement d’appel.
A titre de rappel : D’où trouvent l’origine les sévices infligés aux anciens politiciens de la première République ?
Malgré les dénégations du Colonel Lizinde, l’élimination physique des politiciens de la Première République trouve son origine dans une entente, au départ transparente, dans la gestion des prisonniers politiques de la Première République qui dégénéra en abus de confiance.
En effet à sa désignation comme procureur de la République, Mr Kavaruganda reçut comme mission prioritaire d’élucider le cas des personnes impliquées dans les évènements malheureux auxquels l’Armée venait de mettre fin par le coup d’Etat du 05 juillet 1973. Mr Kavaruganda, encore dans l’euphorie de la confiance dont il venait de bénéficier de la part du nouveau pouvoir et nourrissant l’espoir de cumuler la responsabilité du Ministère de la justice pour mieux diriger les parquets, fit remarquer qu’il venait d’être nommé Procureur mais qu’il n’a encore personne de confiance à confier la responsabilité de telles enquêtes aussi délicates qui risquaient de verser dans la vindicte compte tenu des évènements concernés et des personnes rescapées encore présentes au Parquet Central de Nyanza. Il proposa au Président que, lui qui a fait gérer la Sûreté Nationale de près, autorise que ces enquêtes puissent être conduites par la Sûreté Nationale et qu’on lui (le Procureur) présente les dossiers pour décision.
Il a été ainsi convenu que les OPJ du SCR mèneraient des auditions sous la responsabilité du Directeur du SCR et que ce dernier en rendra compte via le Président de la République qui se chargera de transmettre les dossiers au Procureur pour décider s’il faut arrêter ou non. Lizinde recevait ainsi un chèque en blanc pour gérer les enquêtes préliminaires des personnes visées.
C’est aussi à cette occasion qu’il fut décidé d’orienter les personnes à arrêter sur les prisons de Ruhengeri et sur celle de Gisenyi.
Les enquêtes eurent lieu et le procureur délivra des mandats d’arrêts pour les personnes qu’il présumait coupables et libéra celles qu’il trouvait innocentes.
Vers fin 1974 moururent dans la prison de Gisenyi Mr Jean Gakire, Kalisa et Gasamunyiga. Le commandant de la compagnie de Gisenyi envoya un télégramme radio pour annoncer la mauvaise nouvelle.
L’Etat Major de l’Armée, en réunion, posa la question au Chef d’Etat Major Habyarimana J de savoir en quoi l’Armée Rwandaise était concernée dans la gestion de ces prisonniers. Il répondit que la gestion de ces prisonniers incombe intégralement au ministère de la justice mais qu’étant donné que la garde des prisons revenait aux membres de l’Armée tant qu’aucune autre force ne remplaçait l’ex-Police Nationale, il va demander au ministre de la justice de se concerter avec le cabinet du Ministère de la défense nationale afin que des directives claires fixent les devoirs des militaires de garde à ces prisons. Ces directives furent communiquées par écrit par le Minadef et répercutées aux unités chargées d’exécution.
Depuis lors, en ce qui concerne l’Etat Major de l’Armée, aucun télégramme ou rapport écrit relatif à ces prisonniers ne fut échangé avec les compagnies Gisenyi ou Ruhengeri. Le magistrat instructeur a fait faire une vérification sur les messages radios émis par l’Etat Major de l’Armée Rwandaise à l’adresse de ces deux unités. La vérification n’a obtenu aucun indice qui laisserait croire que des ordres auraient été donnés par message radio au sujet de ces prisonniers.
Seul le cas de l’ex Président Grégoire Kayibanda, géré à part par le chef de la sécurité présidentielle (Capitaine-Commandant-Major Sagatwa), faisait objet de télégramme en cas d’urgence, rarement certes, car il se rendait sur place tous les quinze jours au moins.
Depuis l’émission des directives, la gestion de ces prisonniers politiques et leur comparution devant le juge d’instruction ou devant la cour martiale relevaient de l’entente entre le directeur du SCR et le procureur de la République. La présence de Lizinde comme assesseur dans la composition du siège de la cour martiale alors qu’il avait conduit les enquêtes au premier échelon est le fruit de cette entente.
Concernant l’argent évoqué dans cet écrit, il y a lieu de signaler ce qui suit : Le commandant de la compagnie de Ruhengeri, le Commandant Stanislas Biseruka, a soumis par écrit au Chef d’Etat Major le problème des militaires qu’il avait détaché pour assurer les escortes des prisonniers sur les lieux des enquêtes qui partent tôt le matin et rentrent tard la nuit sans pouvoir prendre un repas chaud du lundi au vendredi. Il a proposé qu’on leur accorde des frais de détectives comme il en distribue à ces derniers oeuvrant dans son secteur. Ces frais étaient gérés au niveau du cabinet du Minadef. En sa qualité de Chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise et de Ministre de la Défense Nationale le Général Major Juvénal Habyarimana a instruit le responsable au Ministère de la Défense Nationale chargé de la gestion de ces primes d’imputer et liquider l’argent demandé et de le confier au G2 de l’Etat Major pour aller le donner au commandant de la compagnie Ruhengeri. Il a ordonné au G2, le capitaine Ndibwami Déogratias d’aller enlever l’argent demandé par le du Commandant de la compagnie Ruhengeri et de le lui apporter. Il a accédé à la demande qu’avait adressée le commandant de compagnie de Ruhengeri. En lisant le document rédigé par le commandant de la compagnie Ruhengeri, le G2 a fait remarquer au Général Major Habyarimana que ces escortes se font tant à la compagnie Ruhengeri qu’à la compagnie Gisenyi. Il lui a donc proposé d’accorder les mêmes facilités aux deux unités. L’accord lui a été donné et le responsable du cabinet du Minadef (le Capitaine Burasa) a disponibilisé l’argent pour les deux unités que Ndibwami est allé apporter aux commandants de ces unités.
Le magistrat instructeur a vérifié ce fait et trouvé la demande faite par le commandant de compagnie Ruhengeri ainsi que les autres pièces justificatives de cette dépense.
Les dépositions faites aux juges par les anciens directeurs et surveillants de ces prisons ainsi que celles des militaires qui avaient été détachés aux escortes ont révélé que la majorité des disparitions de ces prisonniers ont eu lieu à l’occasion des sorties pour les enquêtes en dehors de la ville. Quand le nombre de prisonniers enregistrés au départ différait de celui du retour, les responsables des convois justifiaient la différence en disant que ceux qui ne rentrent pas ont été transférés à l’autre prison et vice versa. Les autres prisonniers ont succombé aux sévices barbares à l’intérieur des prisons sous la complaisance des autorités des prisons quand ils ne les ordonnaient pas eux-mêmes.
Lizinde a comparu devant un tribunal pour se défendre contre les charges portées contre lui. Après avoir entendu ses moyens de défense, les juges ont retenu contre lui des charges pour lesquelles ils l’ont condamné. La condamnation a acquis la force de la chose jugée. Les dénégations post-procès ne peuvent constituer démentis qu’après un jugement d’appel d’une cour compétente. A défaut elles ne sont crédibles que pour les non avertis ou les historiens amateurs.
Dès les premières arrestations, le Président avait joint à Lizinde trois Officiers pour l’aider à mener des interrogatoires : Capitaine David Mutabazi, Burasa François et Gallican Nyamwasa. Mais ces trois se détournèrent de leur mission ; ils furent accusés d’avoir fait des avances aux filles du foyer social de Nyundo pour voir leurs membres de familles arrêtés libérés. Ils furent retirés du circuit.
Août 2014 »