En RDC, dans un contexte des messages ambigus et/ou contradictoires de la part des différents acteurs, la confusion règne sur ce qui s’est passé à la fin de la semaine dernière à Goma où de nouveaux obus sont tombés le week-end sur la capitale du Nord Kivu. Suite à ces tirs, une marche de colère de la population a eu lieu au cours de laquelle deux civils auraient été tués par des éléments du contingent uruguayen débordé, ce que conteste le porte-parole de l’armée uruguayenne. Le Représentant du Secrétaire général de N.U., en séjour à Goma, déclare « comprendre » cette colère et a réitéré son « soutien indéfectible » aux FARDC dont il a salué « l’héroïsme », tandis que le commandant de la MONUSCO affirme que les tirs d’obus attribués au M23 doivent être considérés comme des « crimes de guerre ». Selon une agence de presse, la brigade d’intervention, dont une position aurait été visée par des tirs du M23 faisant trois blessés parmi les casques bleus, se serait pour la première fois manifestée, bien qu’un porte-parole des troupes sud-africaines ait affirmé que ses effectifs n’étaient pas intervenus. Le nouveau patron de la MONUSCO a déclaré pour sa part que la brigade d’intervention n’était pas une « solution magique » : il se refuse à indiquer d’où venaient les tirs pour ne pas remettre en cause la stratégie suivie jusqu’ici par l’ONU et la MONUSCO en mettant en avant le caractère congolais du problème.
De son côté, le M23 accuse l’armée congolaise d’avoir lancé les obus sur la population de Goma et a adressé une lettre ouverte au Secrétaire général des N.U. pour exiger une enquête indépendante. Côté congolais, le gouvernement, qui a dépêché une délégation ministérielle à Goma, accuse le Rwanda de crimes de guerre en ayant tiré des obus sur la capitale du Nord Kivu et invite les populations à ne pas se laisser gagner par l’intoxication et à soutenir la MONUSCO.
Pour sa part, le Rwanda, qui a bloqué au Conseil de Sécurité, dont il est membre non permanent, une résolution condamnant deux dirigeants du M23 et d’autres résolutions sur la situation dans l’est de la RDC, dénonce de nouveaux bombardements sur son territoire par les FARDC. En fait, selon des informations crédibles fournies au Conseil de Sécurité, ces tirs auraient été lancés par le M23 qui a été appuyé « ces derniers jours » par des troupes venues du Rwanda.
Par ailleurs, l’émissaire spéciale de l’ONU, Mary Robinson, s’indigne de l’attaque contre des civils et des casques bleus de la MONUSCO, mais insiste, à l’instar du Département d’Etat américain et de six sénateurs américains en mission dans les Grands Lacs, sur une solution politique négociée et un respect de la lettre et l’esprit de l’accord d’Addis Abeba. L’Union européenne condamne elle aussi la reprise des combats et appelle elle aussi à une solution politique à la crise. Enfin, le Haut Commissaire adjoint aux droits de l’homme de l’ONU dénonce les viols massifs qui continuent à se produire dans l’est de la RDC.
Au début de cette semaine, les accrochages entre FARDC et M23 ont repris après une brève pause en fin de week-end : la brigade d’intervention a signalé à ce propos qu’elle « assistait » l’armée, mais sans engager le combat avec le M23. Toutefois, au milieu de la semaine, la MONUSCO signalait que ses hélicoptères avaient mené une attaque contre des positions du M23, tandis que l’artillerie de compagnies sud-africaines et tanzaniennes de la brigade d’intervention et celle des FARDC entraient en action avec des « pilonnages très violents ». Un casque bleu de la brigade a trouvé la mort dans cet affrontement et une Rwandaise aurait été tuée par un obus tiré du Congo, tandis que la frontière entre la RDC et le Rwanda était partiellement fermée. De nouveaux obus sont par ailleurs tombés à nouveau sur Goma sans que l’on en connaisse la provenance. Par ailleurs, le M23 continuait à bloquer à Rutshuru le trafic entre le Grand Nord et Goma, mais il décidait en fin de semaine de se retirer de la ligne de front.
En conséquence de l’extrême tension qui règne dans la région, le festival de paix (« Amani ») qui devait avoir lieu à Kigali et Goma a été annulé et reporté à une date ultérieure, mais un concert d’hommage aux victimes des bombardements a pu avoir lieu.
Ailleurs au Kivu, les FARDC ont affronté le week-end dernier une coalition de groupes armés dirigés par le chef milicien Yakutumba dans la région montagneuse de Rurambwe au Sud Kivu. En Province Orientale, plusieurs localités de la collectivité de Walendu-Bindi ont été prises au FPRI de Cobra Matata : elles ont été par la suite reprises par ce chef de guerre qui ne s’est toujours pas rendu. On signalera également que des hommes armés non-identifiés ont attaqué une localité dans le territoire d’Aru Par ailleurs, le conflit de frontière entre la RDC et l’Ouganda ne s’apaise pas : 300 soldats ougandais seraient entrés dans une localité du territoire de Mahagi. Enfin, au Katanga, 80 Maï-Maï se sont rendu aux FARDC à Mitwaba.
Dans le domaine politique, le président de l’Assemblée nationale a annoncé que les concertations nationales débuteront le 4 septembre. Celles-ci font toujours l’objet de contestations : accusations contre la majorité présidentielle qui « veut tout contrôler », plaintes sur des représentations insuffisantes de la diaspora, des provinces, etc. En définitive, plusieurs partis d’opposition dont l’UDPS, l’UNC et les formations liées au MLC ont décidé de ne pas participer aux concertations.
Dans le domaine des relations extérieures, l’Angola, la RDC et l’Afrique du Sud ont signé un accord de coopération sur la formation des FARDC. Par ailleurs, on signalera la venue du président sud-africain à Kinshasa dans le cadre d’une enquête sur les flux financiers illicites en provenance de la RDC.
Au Rwanda, la campagne électorale a débuté : elle mettra face à face le FPR à trois autres partis dont deux sont proches du pouvoir actuel. Dans le domaine de la justice, le procès des auteurs de la tentative d’assassinat de l’ancien chef d’état-major rwandais a débuté en Afrique du Sud. Par ailleurs, le HCR tape du poing sur la table en dénonçant les disparitions et enlèvements de réfugiés rwandais en Ouganda dont beaucoup seraient des opposants. Enfin, l’escalade verbale entre les présidents tanzanien et rwandais se poursuit bien qu’ils tentent tous deux de calmer le jeu : le premier avait demandé au second de négocier avec ce qui reste du FDLR.
Eurac